La médecine légale est une discipline médicale encore en retard de plusieurs années-lumière au Sénégal, comparée aux pays occidentaux. Elle constitue une branche essentielle qui éclaire la justice. Elle contribue à la manifestation de la vérité en apportant des preuves scientifiques, tout en jouant un rôle majeur en matière de santé publique.
L’enseignement de cette spécialité existe au Sénégal depuis 2003. Il a permis la formation d’environ soixante médecins légistes, sénégalais et étrangers. Malgré cela, nous constatons que cette discipline demeure en état d’hibernation. Dans notre mémoire de cas en droit de la médecine légale et en sciences forensiques, soutenu le 25 juin 2025 à Genève, nous avons dressé un état des lieux de cette discipline en analysant les principaux obstacles à son développement dans notre pays. Parmi ces obstacles, nous pouvons citer :
Un cadre réglementaire obsolète
Une méconnaissance de la discipline et de son importance dans la société
L’absence d’un institut médicolégal et d’une unité médico-judiciaire pour la prise en charge des victimes de violences
La non-valorisation des actes médicolégaux, ce qui explique le faible nombre d’experts légistes exerçant à temps plein dans cette discipline
Un autre aspect souligné dans notre mémoire concerne la problématique de la gestion des décès à caractère médico-légal au Sénégal. À ce jour, il n’existe qu’un seul centre de thanatologie opérationnel, qui polarise l’essentiel des autopsies réalisées à Dakar et en région. Ce centre, situé à HOGIP, a enregistré un total de 1.452 autopsies en 2024. Chaque jour, entre 5 et 10 corps peuvent y être autopsiés, ce qui engendre une surcharge de travail considérable pour l’équipe de thanatologie.
L’hôpital Dalal Jamm, site de collecte dans notre étude, a transféré 354 corps présentant un obstacle médico-légal vers ce centre durant la période étudiée. Cela représente 24 % des autopsies réalisées par HOGIP. Ce chiffre illustre clairement l’intérêt d’ouvrir un centre de thanatologie au sein de cette structure, ce qui contribuerait grandement à une meilleure gestion des corps à caractère médico-légal au Sénégal.
En matière de santé publique, la médecine légale joue un rôle capital dans la recherche des causes de décès. Notre étude a révélé une prévalence des causes traumatiques (32,7 % des cas, soit n = 117), devant les causes cardiaques (32,5 % des cas, soit n = 114) et autres. Ces causes traumatiques étaient liées à des accidents de la circulation routière dans 73,1 % des cas, à des accidents de travail dans 15,6 % des cas, et à des accidents domestiques dans 11,3 % des cas.
Une exploitation rigoureuse de ces données par les autorités devrait permettre de définir des politiques de prévention efficaces et d’agir sur les causes de décès évitables.
Ce message est un appel à l’action. Il est temps de faire évoluer la médecine légale au Sénégal.
Dr Saliou SOW
Médecin Légiste
Hopital Dalal Jamm de Guédiawaye
